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Le quartier des Petits-Clos à Chartres, transformé par le premier programme. © Guillaume Ossorio

PNRU, Bilan

Programme national de rénovation urbaine : des acquis et des résultats

Quelles leçons tirer du premier programme de renouvellement urbain, déployé entre 2004 et 2021 dans 546 quartiers ? Dans quelle mesure celui-ci a-t-il transformé ces morceaux de ville, par quels types d’interventions ? L’ANRU vient de publier la première « brique » du travail d’évaluation du programme : un bilan quantitatif exhaustif de l’opération, qui sera complété par des études sur des thématiques clé comme la mixité sociale ou la dynamique immobilière.

Vu dans en villes, le mag de l'anru

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Dès juin 2022, l’ANRU s’est lancée dans une démarche d’évaluation du PNRU, à la fois quantitative et qualitative. La première grande « brique » de ce travail a été publiée en octobre : un bilan quantitatif qui comptabilise l’ensemble des investissements et des interventions réalisées. Il faut le voir comme une première étape de l’évaluation : un prérequis pour analyser l’impact du programme en matière de mixité sociale, d’attractivité, d’évolution du marché immobilier, etc., analyse Sarah Audras-Marcy, chargée de mission évaluation au sein de l’ANRU.

Éclairer le lien entre les différentes interventions et l'évolution de la composition sociale des quartiers
Pour mesurer les effets du renouvellement urbain, encore faut-il connaître la nature exacte des interventions réalisées, quartier par quartier… Ce bilan quantitatif est donc précieux pour les différentes études actuellement en cours de finalisation : deux sont menées par l’ANRU, notamment sur l’évolution du marché immobilier, et une par France Stratégie, qui entend éclairer le lien entre les différentes interventions et l’évolution de la composition sociale des quartiers, mesurée par le revenu des habitants.

L'ANRU est considérée par certains comme une "démolisseuse". Si on regarde l'ensemble des interventions, plus de logements ont été construits que démolis

Le bilan publié en octobre 2023 par l’ANRU est un bilan quantitatif, qui restitue toutes les données chiffrées des interventions PNRU menées entre 2004 et 2021 : montant des investissements et financements, nature des interventions, nombre de logements réhabilités, démolis, reconstruits, équipements créés, actions en faveur de l’insertion, etc. Il est le résultat d’un long travail de croisement des données issues du système d’information Agora et des enquêtes menées auprès des porteurs de projets des programmes. En revanche, il ne permet pas d’évaluer l’impact du PNRU en matière de mixité sociale ou d’attractivité des quartiers, aspects qui font l’objet d’autres études en cours.

En attendant ces différentes publications, que révèle ce premier bilan ? Tout d’abord le caractère massif des investissements et des interventions, avec 28 950 opérations financées, qui représentent 48,4 miliards d’euros d’investissement, dont 11,2 milliards de subventions de l’ANRU. La première réussite du PNRU est d’avoir réussi à transformer en profondeur les quartiers, en parvenant à mobiliser un grand nombre d’acteurs locaux autour de projets collectifs, dans des contextes très différents les uns des autres. C’était un mode d’intervention inédit, rappelle Sarah Audras-Marcy. Le bilan montre clairement l’ampleur des transformations apportées aux quartiers. La plupart du temps, il s’agit d’interventions lourdes sur l’habitat, qui impliquent des recompositions foncières majeures. 175 000 logements ont été ainsi démolis et 220 000 logements produits. L’ANRU est considérée par certains comme une “démolisseuse”. Or ce n’est pas tout à fait vrai. Plus de logements ont été construits que démolis, pointe Sarah Audras-Marcy.

Autres points à mettre à l’actif des programmes : l’amélioration du confort de vie des habitants grâce à la réhabilitation de 408 500 logements, la recomposition des espaces extérieurs et la résidentialisation dans le cadre de projets d’ensemble, l’amélioration des services aux habitants, avec notamment la création et la rénovation de 500 écoles, et la mise en place, dans au moins un tiers des quartiers, d’équipements à finalité économique. Sans oublier non plus les 28,4 millions d’heures d’insertion réalisées grâce au PNRU.

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Bilan du PNRU : notre dossier spécial

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Une diversification de l’offre de logements, dans un objectif de mixité sociale

Reste une question… Le PNRU a-t-il atteint le but qui lui était assigné dans la loi Borloo de 2003 : restructurer, dans un but de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zones urbaines sensibles ? Premier constat, le PNRU a diversifié l’offre de logements dans les quartiers, grâce à la production de 81 000 logements (logements locatifs accessibles de l’association Foncière Logement, opérations d’accession sociale, promotion immobilière). Cette diversification a-t-elle produit de la mixité sociale ? En l’attente des études évaluatives, la question fait débat. Pour Christine Lelévrier, sociologue urbaniste : Ce n’est pas à l’échelle d’un quartier que l’on peut produire de la mixité, mais à l’échelle d’une ville, d’une agglomération, et pas forcément dans l’habitat. Et les effets de la rénovation urbaine montrent que la question centrale reste celle de l’accès à du logement abordable à la ville plus que celle de la mixité sociale.

Dans le cadre du partenariat passé entre l’ANRU et la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), les agences d’urbanisme ont souhaité apporter leur éclairage sur les effets du PNRU dans les quartiers. Douze quartiersfont l’objet d’une évaluation par les agences d’urbanisme. Celle-ci vise à mettre en lumière l’évolution du quartier en répondant notamment aux questions suivantes : Le PNRU s’est-il traduit par un regain d’attractivité et un changement d’image au sein de l’agglomération ? Les réhabilitations et résidentialisations sontelles perçues par les habitants comme une amélioration ? Ou encore, comment évoluent les copropriétés issues de la diversification ? Les ménages restent-ils en place ou déménagent-ils assez vite ? Sontils satisfaits de la gestion des immeubles (nombre de gardiens, entretien, etc.) ?

Selon la sociologue urbaniste, le PNRU est avant tout un programme de reprise de l’urbanisme des années 1960. Certains programmes ont pu créer de manière marginale des “micro”-formes de mixité, sans forcément générer d’interactions sociales. Les nouveaux arrivants vivent souvent à côté des habitants du parc social, sans se mélanger et pratiquent en général “l’évitement scolaire”.  Et de conclure : Vivre à proximité de personnes socialement différentes ne veut pas dire “vivre ensemble”, comme l’ont déjà montré de nombreux travaux sociologiques.  De son côté, Sarah Audras-Marcy met l’accent sur la complexité de cette notion. Pour évaluer la mixité sociale, qui est une notion complexe, tout le monde n’est pas d’accord sur la méthode à employer pour la mesurer, sur les indicateurs à utiliser. Et d’ajouter : 43 % des logements sociaux produits au titre de la reconstitution de l’offre (en remplacement des logements démolis) l’ont été en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. On peut donc imaginer que cela a créé de la mixité ailleurs, dans les autres quartiers de la ville. Mais en matière de mixité dans le logement social, le bâti ne fait pas tout, les attributions jouent beaucoup.

Un « ACTE 1 » riche d’enseignements pour le NPNRU
Le PNRU a préparé le terrain pour le NPNRU lancé en 2014, comme le rappelle Sarah Audras-Marcy. Nous avons beaucoup appris avec lui, et nous avons pu apporter différentes améliorations dans le cadre réglementaire du NPNRU. Parmi elles : une plus grande place faite à la concertation des citoyens, sur un mode participatif, une reconstruction qui tient compte plus finement du caractère tendu ou détendu du marché immobilier (pour ne pas recréer de la vacance) et un ratio de 60 % des logements démolis reconstruits en PLAI (à des loyers très bas) et 40 % en PLUS (correspondant aux habitations à loyer modéré), hors QPV, pour créer davantage de mixité et ne pas léser les plus vulnérables.

En savoir plus : lire le bilan du PNRU

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